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Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières s’adressent aux émetteurs assujettis du secteur des cryptoactifs 

Le 11 mars 2021, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont publié l’Avis 51363 s’adressant aux émetteurs assujettis (sociétés cotées en bourse) qui œuvrent dans le secteur des cryptoactifs [1]. Plus particulièrement, les ACVM présentent, par cet avis, leurs observations en ce qui a trait à l’information que doivent divulguer les sociétés cotées qui détiennent et transigent des cryptoactifs. Alors que plusieurs grandes entreprises ont récemment annoncé des investissements massifs dans les cryptomonnaies [2], il ne faut pas perdre de vue que les émetteurs assujettis sont astreints à de lourdes obligations imposées par les régulateurs provinciaux et fédéraux. Au Québec, c’est l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui est chargée de faire respecter la législation en valeurs mobilières et de veiller à ce que les entreprises remplissent leurs obligations. 

La démocratisation du marché des cryptoactifs rendait nécessaire une mise au point pour assurer la sécurité des marchés financiers et la protection des investisseurs, et ce, bien que la plupart des sociétés cotées canadiennes qui œuvrent dans le secteur des cryptoactifs aient accédé aux marchés publics en 2017 et 2018. Au Canada, rares sont les entreprises qui se sont lancées directement dans ce secteur : seulement deux émetteurs de cryptoactifs ont fait appel public à l’épargne suivant l’obtention d’un visa par une autorité en valeurs mobilières provinciale. Pour leurs parts, les autres entreprises concernées se sont tournées vers ce secteur à la suite d’une restructuration ou un changement dans leurs activités [3].

L’Avis 51-363 du personnel des ACVM s’inscrit donc dans cet esprit de conformité en balisant l’une des obligations les plus importantes découlant de la législation en valeurs mobilières : l’obligation d’information des émetteurs. Cette lourde obligation est la contrepartie visant à assurer la protection des investisseurs, lesquels doivent bénéficier d’informations justes, véridiques et suffisantes pour faire des choix éclairés en matière d’investissement. 

À cet égard, les ACVM précisent que constitue de l’information importante celle qui touche à la protection des cryptoactifs et, plus particulièrement, aux contrôles que les émetteurs adoptent pour se prémunir contre certains risques tels que la perte ou le vol des cryptoactifs détenus par lui. Il incombe ensuite de distinguer les émetteurs qui conservent eux-mêmes leurs cryptoactifs et ceux qui retiennent les services de dépositaires pour assurer leur garde. 

Les mécanismes de protection utiles et nécessaires varient en fonction de nombreux facteurs, mais sont notamment pertinents la taille de l’émetteur, le type de cryptoactifs qu’il détient, la quantité visée ainsi que la fréquence des opérations de vente/achat et de stockage à froid qu’il effectue. Dans les cas où un dépositaire assure la garde des cryptoactifs, les investisseurs doivent bénéficier d’informations suffisantes pour leur permettre d’identifier le dépositaire, sa relation avec l’émetteur ainsi que les divers risques qui sont susceptibles de survenir en lien avec la conservation des cryptoactifs [4].

Par ailleurs, les émetteurs qui ont recours à des plateformes de négociation de cryptoactifs doivent divulguer de l’information suffisamment détaillée pour que les investisseurs soient à même de prendre des décisions d’investissement éclairées, considérant les risques qui peuvent découler de cette pratique. Pour ainsi dire, les émetteurs qui détiennent des cryptoactifs sur des plateformes [5] ne détiennent généralement pas la clé privée de sorte qu’ils n’ont aucun contrôle réel sur les actifs ce qui les expose aux risques d’incompétence, d’insolvabilité et de manque d’intégrité des exploitants de plateformes. À cet effet, il ne suffit que de se rappeler l’affaire QuadrigaCX survenue au Canada, par laquelle des milliers d’investisseurs ont perdu près de 145 millions de dollars suivant une fraude de l’exploitant de la plateforme, lequel a, selon plusieurs, simulé son propre décès… [6] Par conséquent, il est impératif que les investisseurs soient en mesure de se prémunir contre de tels risques, le tout en vue d’assurer l’intégrité et la sécurité des marchés financiers.

En plus des risques associés à la garde des cryptoactifs, il ne faut pas négliger ceux associés à la volatilité de tels produits d’investissement et des baisses potentielles de leur cours susceptibles de survenir. Ces risques varient grandement selon le type et la forme des cryptoactifs concernés. Par exemple, « les risques associés à la détention de cryptomonnaies établies, comme le bitcoin ou l’ether, peuvent différer grandement de ceux liés à un placement dans d’autres actifs numériques, tels que des jetons numériques. » [7] Néanmoins, il est admis que tout changement important touchant l’activité, l’exploitation ou le capital de l’émetteur doit faire l’objet d’une divulgation exhaustive. Ont notamment été considérés comme des changements importants la perte ou le vol de cryptoactifs, un changement de dépositaire ou encore l’acquisition ou la vente de matériel de minage [8].

De plus, l’avis 51-363 du personnel des ACVM prévoit que les émetteurs qui ont pour seule activité importante l’investissement dans des cryptoactifs pourraient être sujets à certaines obligations incombant aux fonds d’investissement, le tout en vue d’assurer la protection des investisseurs. 

En somme, il semble que bon nombre des obligations générales qui découlent de la législation en valeurs mobilières auxquelles sont astreints les émetteurs assujettis s’appliquent, littéralement ou par analogie, aux émetteurs qui œuvrent dans le secteur des cryptoactifs. Néanmoins, puisque « le minage des cryptomonnaies et la détention de cryptoactifs au Canada s’inscrivent dans un secteur émergent doté d’aspects technologiques uniques » [9], un cadre juridique adapté est souhaitable, voir nécessaire, pour encadrer ces nouveaux produits d’investissement et assurer la sécurité et l’intégrité des marchés financiers. L’Avis 51-363 du personnel des ACVM constitue d’ailleurs un premier pas vers cette finalité et permet de préciser les attentes des régulateurs en valeurs mobilières à l’égard des émetteurs assujettis qui œuvrent dans le secteur des cryptoactifs.

Anne-Sophie Godbout, stagiaire en droit

[1]  Autorités canadiennes en valeurs mobilières, « Avis 51-363 du personnel des ACVM : Observations concernant l’information exigée des émetteurs assujettis du secteur des cryptoactifs », Autorités canadiennes en valeurs mobilières, 11 mars 2021, en ligne : https://lautorite.qc.ca/fileadmin/lautorite/reglementation/valeurs-mobilieres/0-avis-acvm-staff/2021/2021mars11-51-363-avis-acvm-fr.pdf [ACVM, « Avis 51-363 »]

[2]  Par exemple, Tesla a récemment investi 1,5 milliard de dollars dans le Bitcoin et, au Canada, la société NexTech a investi 4 millions de dollars en décembre 2020 et en janvier 2021, voir Axel Tardieu, « Pourquoi les entreprises investissent maintenant dans le bitcoin », Radio-Canada, 20 février 2021, en ligne : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1771395/entreprises-bitcoin-wall-street-monnaie-investissement (consulté le 20 mars 2021).

[3]  ACVM, « Avis 51-363 », p. 1.

[4]  ACVM, « Avis 51-363 », p. 4.

[5]  ACVM, « Avis 51-363 », p. 6.

[6]  Turner Wright, « Most Crypto Users Think QuadrigaCX CEO Faked Own Death », Coin telegraph, 13 mai 2020, en ligne : https://cointelegraph.com/news/most-crypto-users-think-quadrigacx-ceo-faked-own-death (consulté le 20 mars 2021)

[7]  ACVM, « Avis 51-363 », p. 7.

[8]  Ibid

[9]  ACVM, « Avis 51-363 », p. 12.


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