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La référence en chaîne de blocs au Québec

 
 

Nous dirigeons-nous vers une démocratisation des transactions immobilières par l’entremise de la chaîne de blocs?

Alors que les cryptomonnaies semblent avoir la cote avec les récents sommets atteints par le Bitcoin et l’Ethereum, une autre forme de cryptoactif a le vent dans les voiles. Il s’agit du jeton non fongible, ou non-fungible token (NFT). Le NFT est un jeton émis par l’entremise de la chaîne de blocs et auquel peuvent être adossés une infinité de droits et de fonctions. Parmi ceux-ci, on compte notamment un droit de vote, un droit d’usage et même un droit de propriété. Le NFT tient son nom du fait que chaque jeton est unique : il se distingue donc du jeton fongible, lequel peut aisément être remplacé par un autre jeton de même nature.

L’engouement pour les NFT s’est récemment accentué par la possibilité de transiger des biens, meubles ou immeubles, sous forme de jetons. En effet, il est désormais loisible à tout individu de juxtaposer le droit de propriété d’un bien donné sur un NFT, afin que ce jeton représente la contrepartie numérique dudit bien. Le NFT peut ensuite être transigé par l’entremise de la chaîne de blocs, en contrepartie de cryptomonnaies, par exemple. Ce phénomène est autrement nommé « numérisation » (tokenization) et permet la représentation de tout actif du monde réel par un cryptoactif au sein de la chaîne de blocs. La numérisation permet de fractionner la valeur d’un actif de manière infinie. Ainsi, un individu qui n’a pas les moyens d’acheter un tableau à lui seul pourra, par exemple, acquérir un NFT qui représente un dixième de ce tableau. Ce faisant, il peut s’agir d’une manière de rendre liquide des biens qui, autrement, sont loin de l’être, comme c’est notamment le cas pour les œuvres d’art et les immeubles. 

Récemment, l’investisseur américain Ivan Malpica a mis en vente la moitié d’une maison située à Saint-Louis, au Missouri, sous forme de NFT [1]. 50% de la transaction sera réalisée en contrepartie de NFT, alors que le solde pourra être acquitté en monnaie fiduciaire. 

Alors que la vente d’œuvres d’art sous forme de NFT est une pratique qui se démocratise peu à peu [2], les transactions impliquant des immeubles demeurent pour le moment marginales. Cette frilosité est en partie imputable aux différents régimes juridiques qui s’appliquent aux biens meubles et aux biens immeubles. De même, comme le soulève Malpica, peu d’agences immobilières sont prêtes à supporter le risque d’une vente entièrement réalisée en contrepartie de cryptoactifs [3]. 

Une problématique qui perdure, eu égard à la vente de biens par l’entremise de la chaîne de blocs, repose sur le fait que l’inscription de la transaction sur le réseau ne permet pas de prouver légalement la propriété du bien. En effet, cette inscription permet de constater le transfert de propriété à un moment donné, mais ne permet pas de vérifier si l’acquéreur est toujours propriétaire du bien postérieurement à la transaction. Cette manière de faire est donc, pour le moment, moins efficace que le régime de publicité des droits actuel, comme le Registre foncier du Québec, qui permet de valider la propriété d’un immeuble à tout moment. 

De la même manière, bien que la chaîne de blocs permette d’horodater et de vérifier les transactions, son rôle en est un de certification, plutôt que d’authentification, de sorte qu’elle ne saurait conférer à un acte de vente le caractère authentique qui lui permet de faire preuve à l’égard de tous. En effet, la chaîne de blocs, contrairement au notaire, ne peut vérifier la qualité et l’identité des parties, pas plus qu’elle ne peut s’assurer du consentement de celles-ci à passer acte.

Dans ces circonstances, il semble que les transactions immobilières sous forme de NFT se butent toujours, à l’heure actuelle, à des obstacles d’ordre juridique, qui empêchent cet écosystème de se développer de manière indépendante. Ainsi, de telles transactions demeurent astreintes aux contraintes juridiques en matière immobilière. Alors que certains y verront peut-être une barrière à l’évolution de la chaîne de blocs et à la démocratisation du NFT, il ne faut pas perdre de vue que c’est le droit qui s’adapte aux réalités de la société et non l’inverse. Quoi qu’il en soit, la place grandissante qu’occupent les NFT et les cryptoactifs, de manière plus générale, ravive les questionnements quant à l’opportunité d’une réforme juridique en matière de transactions immobilières.

Anne-Sophie Godbout, stagiaire en droit

[1] Mélody Durand, « États-Unis : un propriétaire vend sa maison sous forme de NFT », Cryptoast, 11 mars 2021, en ligne : https://cryptoast.fr/etats-unis-proprietaire-vend-maison-nft/ (consulté le 13 mars 2021).

[2]  Ingrid Vergara, « Une œuvre d’art numérique vendue 69,3 millions de dollars chez Christie’s », Le Figaro, 11 mars 2021, en ligne : https://www.lefigaro.fr/culture/encheres/revolution-du-nft-une-oeuvre-d-art-numerique-adjugee-pres-de-70-millions-de-dollars-chez-christie-s-20210311 (consulté le 13 mars 2021).

[3]  Supra, note 1. 


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